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Présidentielles camerounaises : "Opposition, vous avez été déclarée coupable !"
(19/10/2011)
Analyse d'un internaute des critiques qui sont portées à l'encontre de l'opposition quant au résultat du scrutin et à sa contestation
Par Ebanda Guillaume
Sans surprise, les tendances du scrutin présidentiel donnent Paul Biya large vainqueur, avec près de 80% des suffrages recensés. Des 20% restants, John Fru Ndi se taille la moitié, l’autre moitié étant répartie sur la vingtaine de candidats restants. A dire vrai, Garga Haman Hadji et Adamou Ndam Njoya mis à part, c’est un peu plus de 10% que se partagent 19 candidats.

Non contents des résultats du scrutin, les membres de l’opposition se sont réunis pour contester les résultats du scrutin et demander leur annulation pure et dure, l’élection n’ayant pas été démocratique. Une action qui a attiré une pléiade de critiques. « Une pièce de théâtre », pour Alice Nkom, « Un manque de fair-play » pour Cameroon Tribune, une panne de l’opposition pour La Nouvelle Expression.

Pour beaucoup d’autres, l’opposition est mauvaise perdante, et doit se résigner à son échec, de n’avoir pas pu se réunir pour une candidature unique, de n’avoir pas pu donner d’alternance, avec les vieux briscards présents depuis 1992… En somme, une opposition qui a été médiocre et ne mérite pas le pouvoir.

Très franchement, si tout ce qui est reproché à l’opposition est vrai, il y a juste quelques petits détails qui font grincer des dents. En effet, à lire cela, on admet de fait que l’alternance appartient à l’opposition, et donc que tant qu’elle n’aura pas fait ses preuves, Paul Biya sera en droit de briguer autant de mandats que cela lui sierra. Imaginez Samuel Eto’o numéro 9 de l’équipe nationale jusqu’à ses 60 ans, parce qu’aucun autre attaquant n’aura paru être en mesure de porter ce dossard.

J’ai en effet peine à croire que le président dont on parle, président pour lequel il faut se montrer si méritant, si doué et si uni, avant qu’il ne daigne céder la place, est celui là même qui a tenu son dernier conseil des ministres en 2009, qui a tenu trois congrès en 29 ans au sein de son parti, et qui a passé près du tiers de l’année civile précédente à l’étranger.

Un président sous le règne duquel les notions d’autosuffisance alimentaire, d’excellence dans la santé, les services et la formation académique sont passées de réalité il y a 30 ans à rêves impossibles à atteindre aujourd’hui. Celui là même dont la campagne de communication aura coûté quelques 3 milliards de francs CFA, ou dont les vacances à la Baule auront coûté près de 28 millions de francs par jour pour une note totale de plus de 600 millions, pendant que d’anciens ministres croupissent en prison, fauchés par l’épervier pour des montants bien moindres.


Un Cameroun qui, dans les années 80, était une référence artistique, agricole et économique, si bien que nos pères formés à l’étranger ont bien souvent snobbé des postes à l’étranger voire des naturalisations pour revenir au Cameroun, est devenu si invivable que beaucoup seraient prêts à damner père et mère pour quitter le Cameroun. J’ai souvent si mal quand je vois que des jeunes ont perdu la vie en Guinée Conakry, ou que des compatriotes sont expulsés de Guinée Equatoriale : le Cameroun est tombé si bas que ses enfants sont prêts à aller être résidents illégaux en Guinée Equatoriale ou au Gabon.

Et pourtant, de façon assez étonnante, c’est l’opposition qui est sous le feu des critiques. Jean Njeunga, pour peu qu’il n’ait pas été percutant dans un débat télévisé – avec il faut le reconnaître des questions assez médiocres d’une Suzanne Kalla Lobe qui demande ce qu’il a prévu pour le cas où un mari empêchera une de ses membres d’être active politiquement –, a déclenché un véritable buzz, chacun se disant « finalement, mieux Paul Biya que cette opposition là ».

C’est à ce niveau là que je me pose des questions : qu’aurait-il fallu que Paul Biya puisse faire pour que le peuple camerounais veule changer ? Abdoulaye Wade a fait semblant de toucher à la constitution, les Sénégalais sont descendus dans la rue lui expliquer leur manière de penser. Laurent Gbagbo a contredit la CEI, les Ivoiriens l’ont délogé. Le Cameroun se vante, par rapport à ces pays, d’être un pays de paix, et que Paul Biya est le garant de cette paix, face à une opposition tellement avide de pouvoir qu’elle a présenté 50 candidatures.

Pourtant, le fait d’avoir plusieurs candidats n’est pas l’apanage du Cameroun : en France, il y a eu 12 candidats en 2007, 16 en 2002. La France serait donc un pays en proie à la guerre, avec une bande de politicards assoiffés de pouvoir incapables de s’entendre ? Non, réduire le multipartisme à cela, c’est renier les principes fondamentaux de la démocratie, qui veulent justement que même les classes les plus marginales aient leur représentant.

Pour comparaison, il y a eu au Cameroun 23 candidats en 2011, 16 en 2004, et 7 en 1997.

Par ailleurs, en admettant que cette opposition se réunisse sous l’égide d’une personne, cela changerait-il la donne pour autant ? Depuis 1997, Paul Biya a fait au moins 70% des suffrages recensés : 90% en 1997, 70% en 2004, et les tendances le donnent gagnant à 77% aujourd’hui. la seule élection où il y a eu le plus de ballotage – et celle qui a été considérée comme une vaste fumisterie – est celle de 1992, où Paul Biya a eu 39% de voix contre 34% pour John Fru Ndi.

1992 mis à part, mathématiquement parlant, l’opposition a représenté entre 15% et 30% des suffrages. S’allier aurait-il permis de collecter de 21% à 36% des voix supplémentaires pour battre Paul Biya ? Ce n’est pas si évident.

Quel est donc ce procès qui est fait à une opposition qui finalement semble être la cause de tous les maux camerounais ? Aujourd’hui, bien loin de s’interroger sur la légitimité des critiques émises à l’encontre du scrutin du 09 Octobre dernier, on tire à boulets rouges sur l’opposition qui aurait du y penser avant, qui n’appelle au boycotte que parce qu’elle sait qu’elle a perdu.

Pour information, il serait utile de préciser qu’en 1997, John Fru Ndi, Adamou Ndam Njoya, Garga Haman Hadji ne s’étaient pas présentés, critiquant justement le processus électoral. La seule influence de ce geste noble a été que Paul Biya a remporté 92.57% des suffrages. Face à une opposition plus « unie », qui n’avait présenté « que » six candidatures (contre huit pour la France en 1995), l’unanimité de Paul Biya n’en a été que plus forte.

Il serait aussi utile de préciser qu’en général, les alliances de l’opposition surviennent au second tour de l’élection présidentielle : l’utilité du premier tour est de jauger les forces en présence, afin de voir quelle part de l’électorat est attachée à un parti, à un programme ou à une idéologie politique, et que c’est le second tour qui consacre le président : si Lionel Jospin remporte le premier tour de la présidentielle en 1995, il est battu au second tour par Jacques Chirac, car la France semble être d’une dominance de droite même si individuellement, Jospin a rassemblé plus de candidats au premier tour.

Un constat qui revient souvent, est que finalement l’opposition n’est pas prête : pas de programme, une campagne balbutiante, une présence politique faible… Mais pourtant, une simple question : que ferait-on si Paul Biya venait à décéder à exercice ? On mettrait présidente par intérim une voyante capable de parler à son fantôme parce que l’opposition ne serait pas prête ? Une alternance politique ne se fait pas qu'à partir du moment où le successeur est prêt. Elle s’impose d’elle-même avec le temps, et il arrive qu’on gagne ou qu’on perde au change, tant que le vrai vainqueur reste la démocratie.

De plus, pour parler d’approximations, il faut se demander si le gouvernement est beaucoup plus performant. Au-delà de la machine de guerre dont dispose le RDPC, la date de l’élection a été connue qu’à la fin du mois d’Août dernier, soit moins de deux mois avant la date du 09 Octobre. Il faut noter qu’avant cela, Elecam a reçu 6 nouveaux membres à la fin du mois de Juillet, a du mettre en place le vote de la diaspora en moins d’un mois, et a perdu Pauline Biyong à la veille de l’élection.

Difficile de considérer ce processus électoral autrement que comme une approximation grandeur nature, approximation sans doute voulue par le chef de l’Etat qui savait qu’il gagnerait à maintenir un désordre ambiant ; on peut aussi en effet reprocher à l’opposition de n’avoir pas anticipé ce désordre, de n’avoir pas anticipé sur le fait que les élections seraient d’une transparence et d’une équité douteuses.

Il ne s’agit pas ici de critiquer à tout va Paul Biya et le RDPC, mais de souligner les incohérences dans la critique de l’opposition au profit du « choix de la prudence » qui se révèle finalement être « le choix de la médiocrité ».

Résultats des élections de 1992 à nos jours

Résultats de 1992

Candidat Parti Voix %
Paul Biya RDPC 1 185 466 39.98
John Fru Ndi SDF 1 066 602 35.97
Bello Bouba Maigari UNDP 569 887 19.22
Adamou Ndam Njoya UDC 107 411 3.62
Jean Jacques Ekindi MP 23 525 0.79
Emah Ottou RFP 12 545 0.42
Total   2 965 436 100


Résultats de 1997

Candidat Parti Voix %
Paul Biya RDPC 3 167 820 92.57
Henri Hogbe Nlend UPC 85 693 2.5
Samuel Eboua MDR 83 506 2.44
Albert Dzongang La Dynamique 40 814 1.19
Joachim Tabi Owono AMEC 15 817 0.46
Antoine Ndemannu RPSF 15 490 0.15
Gustave Essaka DIC 12 915 0.38
Blancs/invalides   84890  
Total   3 506 945 100


Résultats de 2004

Candidat Parti Nombre de voix %
Paul BIYA RDPC 2665359 70.9
NI John FRU NDI SDF 654066 17.4
Adamou NDAM Njoya UDC 168318 4.47
GARGA Haman Hadji ADD 140372 3.73
Justin MOUAFO NPC/BUSH 14915 0.39
Black Albert YONDO MADENGUE> MSDN 13601 0.36
Anicet EKANE MANIDEM 13290 0.35
Pierre Fritz NGO MEC 13122 0.34
Jean Michel TEKAM PDS 13192 0.31
Victorien HAMENI BIELEU UFDC 13192 0.31
Boniface FORBIN JDP 10542 0.28
DJEUKAM TCHAMENI MDI 10539 0.28
Jean Jacques EKINDI MP 10158 0.27
Hubert KAMGANG UPA 7508 0.19
Georges NYAMNDI SLP 6730 0.17
Gustave ESSAKA DIC 4996 0.13
Total 3735900 100


Résultats de 2011 (tendances)

Candidat Parti %
Paul BIYA RDPC 77.78
NI John FRU NDI SDF 10.71
GARGA Haman Hadji ADD 3.21
Adamou NDAM Njoya UDC 1.26
Ayah Paul Abine PAP 0.71
Edith Kah Walla CPP 0.54
Albert Dzongang Dynamique 0.49
Jean de Dieu Momo PADDEC 0.44
Jean Jacques Ekindi MP 0.38
Esther Dang BRIC 0.32
Olivier Bile UFP 0.31
Anicet Ekane Manidem 0.22
Victor Hameni Bieleu UFDC 0.21
Ngo Fritz MEC 0.19
Jean Jeunga   0.19
Isaac Fezeu Merci 0.19
Hubert Kamgang UPA 0.17
Atangana Nsoé Grand Cameroun 0.16
Marcus Lontouo CNC 0.16
Nyamding   0.12
Joseph Tabi Owono AMEC 0.11
Soh Fone   0.10



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